Thursday, November 13, 2008

Talking about a revolution

Et puisque le pape Paul VI a dit que seule la langue française permettait d'exprimer "la magistrature de l'essentiel", cette courte page consacrée au roman Les dieux ont soif d'Anatole France sera rédigée en français. Pour tout dire, la seule pensée d'évoquer la Révolution dans la langue d'Elisabeth II, du Duc d'Edimbourgh et de sa bande de clébards hirsutes qu'il emmène chasser le cerf dans la forêt de Windsor me file la nausée.

Anatole France, donc, nous entraîne dans Les dieux ont soif au coeur de la Terreur, épisode sanglant de la Révolution Française hanté par les terrifiantes figures de Danton, Marat et Robespierre.
Evariste Gamelin, artiste peintre parisien vivant avec sa mère, n'a au début du roman qu'un poids mineur dans les affaires de son pays. En bon citoyen, il respecte la Convention, idolâtre L'Ami du Peuple (le ci-devant Marat) et voue une aversion de circonstance aux aristocrates, curés et autres résidus de l'Ancien Régime. Mais un jour, une femme riche liée aux milieux contre-révolutionnaires et soucieuse d'assurer ses arrières le fait nommer juré au Comité de Salut Public.

L'inoffensif Gamelin découvre alors la salle du Tribunal et son cénacle d'accusateurs publics en même temps que leur gadget fétiche, la guillotine. Commence à défiler sous ses yeux la colonne des ennemis supposés de la Nation: chefs d'armée accusés d'avoir battu en retraite, filles de rien soupçonnées d'avoir fricoté avec des anglais, nobles coupables d'être restés au pays, fédéralistes à la solde de la monarchie, scribouillards de mansarde taxés de correspondance avec l'étranger, clochards avinés pris à crier "Vive le Roi"...
Devant cette succession hétéroclite de parias, Gamelin est peu à peu gagné par la paranoïa ambiante et commence à craindre pour l'avenir de la France, qu'il voit rongée de l'intérieur par la gangrène contre-révolutionnaire. L'assassinat de Marat dans sa baignoire achève de le convertir au "Tout-Révolution", et dès lors c'est avec un plaisir presque sadomasochiste qu'il enverra à l'échaffaud tout ce que Paris compte d'habitants ou presque, à commencer par son beau-frère, son vieil ami Brotteaux et même la citoyenne qui l'avait fait nommer juré.

L'épuration est colossale: les têtes tombent à toute les pages. Et comme plus tard du côté du camarade Lénine, c'est dans ses rangs que la Révolution trouve ses meilleures victimes. Si bien que quand vient l'heure de juger Robespierre, le tribunal de la Commune n'est plus composé que de "rentiers", de "bourgeois cossus", de "gros commerçants", de "têtes poudrées" et de "ventres à breloques".
La sarabande s'achève avec la mise à mort de Robespierre, et Gamelin n'échappe pas au dernier coup de filet. Il est conduit à la Concorde dans l'anonymat d'une fin de Révolution qui aura vu la naissance de l'esprit français moderne: un savoureux mélange de paresse et d'exaltation, d'idéaux sans lendemain et d'héroïsme de gala.

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